Accord sur l'Ukraine: l'Occident prudent, les rebelles triomphants et les habitants sceptiques
Modifié : 12 février 2015 à 17h30 par La rédaction
Les déclarations prudentes des leaders européens jeudi à la suite d'un accord de cessez-le-feu arraché après des heures de négociations à Minsk, contrastaient avec le discours triomphaliste des dirigeants rebelles mais aussi avec le scepticisme des habitants dans les zones de combat dans l'est de l'Ukraine.
Après des négociations longues de presque 16 heures, la chancelière allemande Angela Merkel a affirmé qu'elle ne se faisait "aucune illusion", soulignant qu'il y avait encore "de gros obstacles" à surmonter avant d'arriver à une solution au conflit.
"Nous avons maintenant une lueur d'espoir (...) Mais il faut bien sûr que les pas concrets soient effectués", a dit Mme Merkel. "Il va encore y avoir de gros obstacles devant nous (...) mais il y a toutefois une vraie chance de faire évoluer les choses vers le meilleur", a-t-elle ajouté.
Le président français François Hollande a quant à lui estimé que l'accord de Minsk ne garantissait "pas un succès durable".
L'accord "est plus qu'une lueur d'espoir", mais "tout peut encore se décider dans un sens ou dans un autre, et les prochaines heures seront déterminantes", a ajouté le chef d'Etat qui a travaillé en binôme avec la chancelière allemande tout au long des négociations.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a de son côté estimé que l'accord "n'est pas une solution globale et encore moins une percée", tout en saluant un "pas en avant qui nous éloigne d'une spirale d'escalade militaire".
"Pour certains, ça ne sera pas assez. Nous aussi aurions souhaité plus", a-t-il avoué, disant espérer que les deux parties avait négocié "sérieusement et avec de bonnes intentions" alors que le conflit a déjà fait plus de 5.300 morts en dix mois.
Les dirigeants séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine se sont en revanche félicités, estimant que cet accord laissait croire à "une solution pacifique" au conflit.
"Nous avons signé un accord qui donne une chance au développement pacifique des républiques (autoproclamées) de Donetsk (DNR) et de Lougansk (LNR). C'est une grande victoire pour elles", a déclaré le leader de la DNR, Alexandre Zakhartchenko.
"Nous ne pouvons pas ne pas donner cette chance à l'Ukraine", a renchéri le dirigeant de la LNR, Igor Plotnitski. "Notre peuple se voit donner une chance de changer ses relations avec l'Ukraine, et l'Ukraine une chance de changer de façon civilisée et de ne plus tuer son propre peuple" a-t-il ajouté.
"L'Ukraine va changer grâce au peuple du Donbass. Quoiqu'il arrive, la victoire sera à nous", a-t-il ensuite déclaré.
Le président russe Vladimir Poutine a ouvert sur le ton de la plaisanterie sa conférence de presse, attendue avec impatience par la presse à l'issue de ces négociations marathon.
"Ce n'était pas la meilleure nuit de ma vie mais à mon avis, c'est un beau matin. Malgré la complexité de ces négociations, nous avons réussi à nous entendre sur l'essentiel", a déclaré le chef d'Etat russe, accusé par l'Occident et l'Ukraine de soutenir militairement les rebelles séparatistes.
"Le Groupe de contact a signé le document que nous avons préparé avec une si grande tension", a pour sa part indiqué le président ukrainien Petro Porochenko.
Mais dans le fief rebelle de Donetsk, où les tirs d'artillerie ont résonné toute la nuit, les habitants faisaient preuve de moins d'empressement à célébrer cet accord.
"J'espère que ce sera un vrai cessez-le-feu. Ca fait trois semaines que je ne sors pas de chez moi tellement j'ai peur. Je suis sortie après avoir vu sur internet qu'un accord a été signé", racontait Elena Ivachova, 30 ans, qui habite dans un quartier très touché par les bombardements.
"Je n'y crois pas du tout, estimait en revanche Lioubov Mikhaïlovna, 62 ans, dont l'appartement a été détruit la semaine dernière. "A chaque fois qu'on a signé un accord, on a dit une chose et on a fait autre chose... Je n'ai plus confiance en personne".
AFP