Israël, sous le feu des critiques, veut agir contre les extrémistes israéliens

Publié : 2 août 2015 à 17h21 par La rédaction

 Le gouvernement israélien, soumis à de fortes pressions, a annoncé dimanche des mesures punitives contre les extrémistes juifs après la mort d'un bébé palestinien brûlé vif et une attaque au couteau contre la Gay pride, Benjamin Netanyahu promettant une "tolérance zéro".A Jérusalem, des heurts ont de nouveau opposé Palestiniens et policiers israéliens sur l'esplanade des Mosquées avant un retour au calme, après deux jours de protestations en Cisjordanie occupée et à Jérusalem qui avaient dégénéré en affrontements avec l'armée israélienne.Vendredi, un bébé palestinien de 18 mois, Ali Dawabcheh, a été brûlé vif et ses parents et son frère ont été grièvement blessés après une attaque d'extrémistes juifs qui ont jeté des cocktails Molotov contre leur maison près de Naplouse en Cisjordanie. Jeudi à Jérusalem, un extrémiste juif récidiviste a attaqué au couteau des participants à la Gay Pride faisant six blessés.De l'opposition israélienne à l'ONU en passant par les Palestiniens, tous ont dénoncé l'attaque contre la famille Dawabcheh, un acte rendu possible par "l'impunité" dont jouissent selon différentes ONG les colons et autres activistes d'extrême droite. En outre, des rassemblements ont eu lieu samedi à travers Israël pour dénoncer l'attaque de la Gay pride.Dimanche, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a promis la "tolérance zéro" et son ministre de la Défense Moshé Yaalon a autorisé la mise en détention administrative, c'est-à-dire sans charge et pour une durée illimitée, d'extrémistes juifs.Cette mesure, habituellement réservée aux Palestiniens, pourrait donner aux enquêteurs le temps nécessaire pour réunir les preuves nécessaires à un procès, expliquent les médias.Mais trois jours après l'attaque antipalestinienne, les auteurs sont toujours en fuite et les Palestiniens placent peu d'espoir dans le gouvernement israélien sur lequel les partisans de la colonisation et de la droite nationaliste et religieuse ont la haute main.- 'Incompréhensible' -======================Depuis des années, les extrémistes juifs agressent, sous le label du "prix à payer", des Palestiniens et des Arabes israéliens, et vandalisent des lieux de culte musulmans et chrétiens ou même l'armée israélienne.Les Palestiniens affirment avoir recensé "11.000 attaques en dix ans". Selon l'ONG israélienne Yesh Din, 85,3% des plaintes de Palestiniens contre des colons sont classées sans suite.Le président palestinien Mahmoud Abbas a d'ailleurs raillé vendredi les méthodes de l'armée israélienne. "Elle les garde une heure pour une enquête, puis les relâche et ils peuvent reprendre leurs attaques".Ces attaques sont selon lui le "résultat direct" de la "politique de colonisation menée par Israël" qui a mené à l'installation d'environ 400.000 colons en Cisjordanie et 200.000 autres à Jérusalem-Est, occupée et annexée.Pour Yossi Melman, spécialiste des questions de renseignements pour le Jerusalem Post, il n'y a aucune explication logique à l'impuissance des autorités qui n'ont jusqu'ici arrêté aucun suspect après la mort du bébé."Il est incompréhensible qu'un Etat qui réussit à défaire le terrorisme arabe et palestinien, qui constitue un modèle copié par de nombreuses agences de sécurité, trouve difficile d'affronter quelques centaines de terroristes et leurs complices", écrit-il.- 'Examen de conscience' -==========================Les responsables de la sécurité disent, eux, qu'il est difficile d'infiltrer ces petits groupes qui n'utilisent pas de téléphone cellulaire, restent muets durant leurs interrogatoires et reçoivent visiblement des consignes sur le comportement à adopter face aux forces de l'ordre.Un document a récemment été retrouvé lors d'une arrestation expliquant comment mettre le feu à des mosquées, des églises ou des maisons de Palestiniens sans laisser de trace, selon la radio israélienne.Mais le chef de l'opposition de centre-gauche Isaac Herzog a estimé que "lorsque l'Etat le veut, il peut lutter contre le terrorisme", appelant le gouvernement Netanyahu, l'un des plus à droite de l'histoire d'Israël, à faire son "examen de conscience".L'ex-président Shimon Peres a dénoncé indirectement la responsabilité de M. Netanyahu, devant un rassemblement samedi à Tel-Aviv. "Celui qui incite à la haine contre les Arabes d'Israël, qu'il ne s'étonne pas lorsqu'on incendie des églises, des mosquées et qu'à la fin on brûle un bébé dans la nuit".Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dénoncé un "acte de terrorisme", un qualificatif très rarement utilisé par Israël lors d'attaques antipalestiniennes, et ordonné "d'arrêter les meurtriers et de les traduire en justice".Il a réitéré ces engagements lors d'un rare appel téléphonique au président palestinien Mahmoud Abbas, qui, en soirée, a toutefois dit "douter qu'Israël mette en oeuvre une véritable justice" et a accusé l'Etat hébreu d'être "le responsable direct" de la mort d'Ali Dawabcheh, 18 mois, en raison de "l'impunité" qu'il accorde aux "colons" que les Palestiniens ont accusé de ce crime.Vendredi à l'aube, des hommes masqués, présentés par les Palestiniens comme des colons, ont jeté des cocktails Molotov par les fenêtres ouvertes de deux maisons, dont celle des Dawabcheh, dans le village de Douma près de Naplouse dans le nord de la Cisjordanie, selon des sources palestiniennes et israéliennes. Ils ont ensuite pris la fuite vers une colonie voisine, d'après la radio israélienne.Le bébé a péri dans l'attaque, alors que sa mère Riham, 26 ans, son père Saad et son frère Ahmed, 4 ans, se débattaient entre la vie et la mort dans un hôpital israélien, selon des médecins. Un quatrième blessé, une fillette selon certaines sources, était également hospitalisée.M. Netanyahu et le président israélien Reuven Rivlin leur ont rendu visite à l'hôpital dans l'après-midi.Fait sans précédent depuis la naissance il y a plus de 20 ans de l'Autorité palestinienne, les forces de sécurité palestiniennes ont lancé un "avis de recherche" contre "les colons auteurs de cet acte terroriste" afin de "les poursuivre" en justice. Une escalade dans le discours qui en dit long sur l'agacement de Ramallah mais qui a peu de chance d'être suivie d'effets car plus de 60% de la Cisjordanie est sous le seul contrôle de l'armée israélienne.M. Abbas a annoncé que les Palestiniens déposeraient samedi un nouveau dossier pour "crime de guerre" devant la Cour pénale internationale, tandis que des groupes palestiniens menaçaient de "riposter" et que des milliers de manifestants réclamaient "vengeance" en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où un jeune Palestinien a été tué par des tirs de l'armée israélienne.Un autre jeune Palestinien, Laith Khaldi, 14 ans, blessé vendredi soir par un tir de l'armée israélienne est mort samedi matin, selon des sources sécuritaires et médicales palestiniennes.L'armée israélienne a déclaré à l'AFP que les soldats avaient tiré sur le jeune homme après qu'il ait "lancé un cocktail Molotov en direction d'un poste militaire à Bir Zeit", au nord de Ramallah.- Débris carbonisés -A Douma, il ne restait plus de la maison des Dawabcheh que les murs en béton, l'intérieur n'étant qu'un vaste tas de débris carbonisés. Ici ou là, restaient des photos de la famille, dont celles du bébé, rongées par les flammes, ainsi que quelques affaires dont un biberon.A l'extérieur, des graffitis en hébreu barraient encore les murs. "Vengeance" et "Le prix à payer", proclamaient-ils, deux jours après que les autorités israéliennes eurent détruit deux maisons en construction dans une colonie plus au sud.Des milliers de Palestiniens, dont le Premier ministre Rami Hamdallah, ont participé aux funérailles du bébé, "héros martyr" dont le corps enveloppé dans un drapeau palestinien a été porté à bout de bras.Depuis des années, des activistes de l'extrême droite israélienne ou des colons se livrent, sous le label du "prix à payer", à des agressions et des actes de vandalisme contre des Palestiniens et des Arabes israéliens, des lieux de culte musulmans et chrétiens, ou même des soldats israéliens. La très grande majorité de ces agressions sont restées impunies.Mais l'attaque de vendredi a suscité une émotion particulièrement vive avec des appels israéliens sur les réseaux sociaux à manifester samedi contre la violence.Le ministre israélien de la Défense Moshé Yaalon a même qualifié les assaillants de "terroristes juifs".- 'Véritable épidémie' -Les condamnations israéliennes n'ont néanmoins pas convaincu la direction palestinienne. "On ne peut dissocier cette attaque barbare" d'un "gouvernement qui représente une coalition pour la colonisation et l'apartheid", a dit Saëb Erakat, numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).Selon la Paix Maintenant, une ONG israélienne anticolonisation, ces "agressions de la part des colons sont devenues une véritable épidémie", notamment du fait de "l'indulgence du gouvernement".En mai, l'organisation israélienne Yesh Din estimait que 85,3% des plaintes de Palestiniens après des attaques de colons étaient classées sans suite et que seulement 7,4% des plaintes conduisaient à des poursuites, dont un tiers débouchait sur une condamnation.Le mouvement islamiste Hamas, bête noire d'Israël, a promis "une punition à la hauteur de ce crime" qui "fait des soldats de l'occupant et des colons des cibles légitimes partout".Alors que Washington a dénoncé une "brutale attaque terroriste", Paris s'est dit "indigné" par "cet acte ignoble".Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a critiqué le gouvernement israélien pour "l'incapacité persistante à faire cesser l'impunité" dont bénéficient les colons qui s'attaquent aux Palestiniens et l'Union européenne a également plaidé pour "la tolérance zéro".