L'Egypte inaugure la seconde voie du canal de Suez pour relancer l'économie
Modifié : 4 août 2015 à 14h10 par La rédaction
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi va inaugurer jeudi en grande pompe la seconde voie du canal de Suez, un projet hautement symbolique visant à relancer l'économie en berne et asseoir la "légitimité" du pouvoir sur la scène internationale.
L'importante cérémonie d'inauguration, dont l'invité d'honneur est le président français François Hollande, se tiendra à Ismaïlia (nord-est), en bordure du canal de Suez. Elle intervient un an après l'arrivée au pouvoir de M. Sissi, qui a destitué son prédécesseur, l'islamiste Mohamed Morsi, et lancé une répression sanglante contre ses partisans.
L'expansion du canal représente l'un des projets phares de M. Sissi, dont les promesses électorales se concentraient sur une relance de l'économie et le rétablissement de la sécurité.
Longue de 72 kilomètres, la nouvelle voie va permettre de doubler la capacité du trafic sur cette artère fondamentale reliant la mer Rouge et la mer Méditerranée.
D'ici 2023, quelque 97 navires pourront emprunter le canal quotidiennement, contre 49 actuellement, selon l'Autorité du canal de Suez.
La nouvelle artère va permettre une circulation dans les deux sens, réduisant de 18 à 11 heures le temps d'attente des bateaux.
"C'est un message envoyé au public et aux investisseurs étrangers, pour montrer que le gouvernement est capable de mener à bien des projets", estime Amr Adly, expert du centre Carnegie pour le Moyen-Orient.
Construit il y a 146 ans, le Canal de Suez est l'une des voies navigables les plus fréquentées au monde, et un point clé du commerce mondial.
La nouvelle artère doit faire passer les revenus du canal de 5,3 milliards de dollars (environ 4,7 mds d'euros) attendus en 2015 à 13,2 mds USD (11,7 mds d'euros) en 2023.
"Il y aura certainement une hausse des revenus", selon M. Adly. "Mais les chiffres annoncés sont-ils réalistes et crédibles? On ne sait pas comment ils ont été calculés".
Le projet intervient au moment où l'Egypte veut s'afficher en acteur incontournable sur la scène régionale, tandis que ses alliés occidentaux ont tempéré leurs critiques concernant la répression lancée contre toute opposition et dans laquelle plus de 1.400 personnes ont été tuées et des dizaines de milliers emprisonnées.
"Le nouveau régime est engagé dans une lutte politique pour asseoir sa légitimité, à l'intérieur du pays mais aussi à l'étranger", souligne M. Adly, précisant que "la capacité à accomplir de tels projets économiques permet de renforcer cette légitimité".
Jeudi, en présence de plusieurs chefs d'Etat étrangers, M. Sissi devrait conduire une parade navale à bord d'un élégant yacht qui appartenait autrefois à la famille royale. Un défilé aérien rassemblera les trois avions de combat Rafale et huit F16 récemment livrés par la France et les Etats-Unis.
"Le nouveau canal de Suez: un cadeau au monde", peut-on lire sur des bannières à l'aéroport du Caire, tandis que le drapeau national est omniprésent dans la capitale.
Alors que le pays fait face à une vague d'attentats jihadistes sans précédent, 10.000 policiers devraient être mobilisés à travers le pays durant les festivités, selon l'agence officielle Mena.
Les autorités souhaitent également développer la zone qui borde le canal pour en faire une plateforme industrielle et commerciale, avec notamment plusieurs ports, et un centre de services pour les flottes commerciales traversant le canal. Un projet qui devrait permettre la création de plus d'un million d'emplois dans les 15 prochaines années.
Le creusement du nouveau canal avait été lancé le 5 août 2014 par M. Sissi, qui avait réclamé que les travaux soient terminés sous un ambitieux délai d'un an. Les autorités ont levé neuf milliards de dollars pour la construction, en vendant des participations aux Egyptiens.
Au-delà du canal de Suez, "l'Egypte a besoin de milliers de projets économiques", a néanmoins estimé Fawaz Gerges, expert du Moyen-Orient à la London School of Economics. "Pour le moment, l'économie n'a pas décollé."
Le gouvernement vise un audacieux taux de croissance de 7%. Mais le secteur vital du tourisme a souffert des troubles politiques qui secouent le pays depuis la révolte populaire de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir.AFP