Le Parlement irakien approuve les réformes anticorruption

Publié : 11 août 2015 à 16h04 par La rédaction

Le Parlement irakien a approuvé mardi, à l'unanimité et avec une célérité inhabituelle, des réformes majeures qui donnent au gouvernement les moyens de lutter contre la corruption endémique et d'améliorer les services publics, après plusieurs semaines de contestation populaire.

 

En Irak, une adoption par les députés d'importantes décisions donne généralement lieu à des batailles entre les différents blocs politiques et prend beaucoup de temps, de nombreux parlementaires boycottant même les sessions pour empêcher d'atteindre le quorum et de voter.

 

Le plan de réformes proposé par le Premier ministre Haider al-Abadi vise de surcroît à réformer en profondeur le fonctionnement de l'Etat, avec notamment la suppression de postes importants et la réduction du train de vie des fonctionnaires.

 

Le plan "a été unanimement approuvé" par un vote à mains levées, a déclaré le président du Parlement Salim al-Joubouri sous les applaudissements. 297 députés étaient présents sur les 328 que compte le Parlement.

 

Le vote a eu lieu immédiatement après la lecture en début de séance du programme de réformes, sans même qu'un débat n'ait lieu. Un deuxième plan de réformes, dont les détails n'étaient pas connus dans l'immédiat, a été également soumis au vote et approuvé.

 

Après des semaines de protestations d'Irakiens en colère, excédés par la mauvaise gouvernance et la corruption, et un appel pressant de la plus haute autorité chiite du pays à agir avec "courage" contre la corruption, les décisions sur ces réformes se sont accélérées depuis dimanche.

 

Ce jour-là, M. Abadi a annoncé un plan qui a été approuvé à l'unanimité par le gouvernement quelques heures plus tard. Le lendemain, le président du Parlement lui a apporté son soutien et a appelé les députés à l'approuver mardi.

 
- 'Voter pour, travailler contre' -
 

Les réformes prévoient la suppression "immédiate" des postes des trois vice-Premier ministres et trois vice-présidents, dont Nouri al-Maliki, prédécesseur de M. Abadi et son principal rival.

M. Maliki, dont les deux mandats ont été marqués par des accusations de corruption et d'autoritarisme, a toutefois apporté son soutien à ces réformes.

Le plan porte également sur la "réduction immédiate et globale" du nombre très important de gardes du corps des officiels, la suppression des "provisions spéciales" allouées aux hauts responsables, en poste ou à la retraite, et l'abolition "des quotas confessionnels".

 

Il propose que les responsables ne soient plus choisis selon leur appartenance confessionnelle ou ethnique mais selon "leurs compétences, honnêteté et expérience".

 

M. Joubouri a lui-même appelé lundi le Premier ministre "à démettre de leur fonction les ministres qui sont clairement coupables de manquements, de négligence et de corruption".

 

Ce vote est une victoire pour Abadi, mais reste à savoir si et comment ces mesures seront mises en application.

 

"Tous les hommes politiques irakiens soutiennent officiellement ces réformes mais ils sont tous fortement impliqués dans la corruption", dit Zaïd al-Ali, constitutionnaliste et auteur de "La lutte pour le futur de l'Irak". "Ils doivent se prononcer pour les réformes mais ils vont travailler contre".

 
- Nouveaux attentats de l'EI -
 

Ces mesures sont destinées à répondre au mécontentement grandissant au sein de la population irakienne, qui manifeste depuis plusieurs semaines pour protester contre la corruption généralisée de la classe politique, la mauvaise gestion et le délabrement des services publics, notamment les fréquentes coupures d'électricité dans ce pays où les températures estivales peuvent dépasser les 50° Celsius.

 

Aux troubles politiques et sociaux s'ajoute l'insécurité croissante. Une série d'attentats, dont deux revendiqués par le groupe jihadiste Etat islamique, a encore fait lundi plus de 30 morts dans la province de Diyala au nord-est de Bagdad.

 

Miné par les dissensions confessionnelles, le pays est régi par un accord tacite qui dit que le chef de l'Etat doit être un Kurde, le Premier ministre un chiite et le chef du Parlement un sunnite.

 

Pendant le règne de l'ex-président sunnite Saddam Hussein, chiites et Kurdes ont été opprimés dans ce pays à majorité chiite. Aujourd'hui c'est la communauté sunnite qui s'estime marginalisée.

 

Ces rancoeurs ont été mises à profit par l'EI qui a saisi des pans entiers du territoire irakien depuis l'an dernier et multiplié les attentats dans les zones qui lui échappent. Dans certaines régions qu'il a conquises, l'EI a opéré avec la complaisance des tribus sunnites.

 AFP