Les réfugiés s'invitent sur grand écran à la Berlinale

21 février 2016 à 11h08 par La rédaction

Le festival du film de Berlin a donné cette année un coup de projecteur sur les réfugiés: sur grand écran, dans des documentaires ou des fictions, ils prennent cette fois la parole alors que toute l'Europe parle pour eux depuis des mois. "Comme tous les jeunes, comme ceux qui vivent en Europe, nous voulons tous un futur, pas grand chose, un futur pour moi, avoir une famille, des enfants, un boulot". Aboubakar Sidibé, 30 ans, vient du Mali. Ainsi explique-t-il à l'AFP pourquoi il a choisi de prendre la route de l'Europe. Aujourd'hui, il vit dans un foyer de réfugiés en Bavière mais cette semaine, il est à la Berlinale pour présenter un film, son film: "Les Sauteurs" ("Those who jump"). Ce documentaire raconte le destin de ces centaines de migrants qui campent sur le mont Gurugu, en face de l'enclave espagnole de Mellila, en Afrique du Nord, en attendant de se lancer à l'assaut du mur qui les sépare de l'Europe. - Douze films sur les réfugiés - Aboubakar Sidibé était l'un d'eux. Les réalisateurs Moritz Siebert et Estephan Wagner lui ont confié une caméra, espérant qu'il puisse documenter de l'intérieur la vie sur Gurugu. "Ce qu'on s'est dit, c'est qu'on avait peut-être beaucoup parlé des migrants et qu'il fallait maintenant entendre leurs voix", a dit à l'AFP Estephan Wagner. "On peut voir ici à la Berlinale que les gens avaient aussi soif de les entendre", a-t-il ajouté. Le résultat est saisissant: le récit visuel d'Aboubakar Sidibé est précis, sensible, chargé d'émotion.  Pas moins d'une douzaine de films ont ainsi donné la parole cette année à ceux qui fuient leur pays. Dans la sélection officielle en compétition, le documentaire "Fucuoammare" de l'Italien Gianfranco Rosi sur le quotidien de l'île de Lampedusa, en première ligne face à l'afflux des navires de migrants, a été très applaudi. Plus expérimental, le film "Havarie" s'est lui intéressé au destin d'un de ses bateaux de fortune qui, un jour de septembre 2012, a croisé la route du paquebot de croisière "Adventure of the sea". Le réalisateur allemand Philip Scheffner a récupéré la vidéo filmée depuis le pont par un touriste irlandais: de loin, on ne devine qu'une quinzaine de silhouettes dérivant dans un zodiac dégonflé, au milieu des flots.  Mais le cinéaste a associé aux images des bribes de conversations qui chacune permet d'aborder toute la réalité du problème: dialogues entre garde-côtes et équipage du paquebot, témoignages des touristes, récits de migrants. L'un d'eux, un Algérien revenu au pays après avoir été expulsé, décrit la difficulté de l'odyssée et conclut, malgré son désir de retourner en Europe où la femme qu'il aime est restée: "non, plus jamais un autre voyage". La fiction s'est aussi emparée du sujet, avec par exemple le film allemand "Meteorstrasse" qui filme le quotidien de Mohammed, 18 ans, Palestinien installé à Berlin. - Initiatives pour les migrants - En quête de repères, le jeune exilé se cherche une place, entre son frère charismatique mais instable, le patron allemand bourru du garage où il travaille et un père retourné en Palestine avec lequel il ne communique que par de laconiques coups de téléphone. "Les films offrent des moments d'émotion, de nouveaux regards sur l'existence, on peut y déceler des choses sur lesquelles on ne peut pas toujours mettre de mots", a expliqué la réalisatrice, Aline Fischer, à la radio berlinoise RBB.  C'était aussi l'objectif du président du festival, Dieter Kosslick, quand il a décidé que les réfugiés dont plus d'un million sont arrivés en Allemagne en 2015, auraient une place à part dans la manifestation. "A la Berlinale, nous pouvons montrer aux gens combien c'est excitant et harmonieux de passer dix jours en compagnie de migrants", disait-il à l'AFP fin décembre. La Berlinale a multiplié les initiatives pour venir en aide aux migrants: des bornes d'accueil de dons étaient installées dans différents endroits du festival, des stages et des invitations leur étaient également réservés pour favoriser les échanges. Pour Aboubakar Sidibé, l'arrivée en Europe a été un "coup de chance". Mais sait-il aussi, "il faut encore avoir de la patience". AFP