Les survivants de la pire tragédie de migrants à Catane, leurs passeurs arrêtés

Publié : 21 avril 2015 à 14h13 par La rédaction

Sous le choc, épuisés, les survivants de la pire tragédie de migrants en Méditerranée avec 800 morts présumés sont arrivés en Sicile en même temps que les deux passeurs responsables du drame, aussitôt arrêtés.

 

La police italienne a rapidement identifié le capitaine et un membre d'équipage du chalutier chargé de plusieurs centaines de migrants, qui a fait naufrage au large de la Libye dans la nuit de samedi à dimanche. Hormis les deux passeurs, seuls 26 migrants ont survécu.

 

Les deux passeurs, un Tunisien et un Syrien, sont accusés d'homicide, de naufrage et d'assistance à l'immigration clandestine, selon un substitut du procureur de Catane en Sicile. Ils ont été reconnus par plusieurs survivants, puis leurs photos ont été montrées lundi à un rescapé déjà hospitalisé à Catane, qui les a aussi désignés comme les passeurs.

 

Selon le récit des survivants, le chalutier de 20 mètres de long a chaviré sous l'effet d'un mouvement de foule alors qu'approchait un cargo portugais appelé à son secours.

 

Des médias italiens évoquent une collision entre les deux bateaux, mais cette information n'a pas été confirmée.

 

"Hécatombe", "pire tragédie" de migrants en Méditerranée, ce naufrage a fait quelque 800 morts, disparus en mer, selon le récit concordant des 28 survivants recueillis par le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les garde-côtes italiens ont également repêché 24 corps, débarqués lundi matin à Malte.

 

- 800 morts, dont des enfants -

 

"On peut dire que 800 personnes sont mortes", a déclaré Carlotta Sami, porte-parole du HCR en Italie, dont l'estimation a été confirmée par le porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), Flavio Di Giacomo.

 

"Il y avait un peu plus de 800 personnes à bord, dont des enfants de 10, 12 ans. Il y avait des Syriens, environ 150 Erythréens, des Somaliens... Ils étaient partis samedi à 08H00 de Tripoli", en Libye, a ajouté Mme Sami, soulignant combien ils semblaient "épuisés, sous le choc" à leur arrivée lundi soir dans le port de Catane.

 

"Ils sont tous si jeunes, et même si nous n'avons pas eu le temps d'aborder cette question, il est certain que beaucoup ont perdu des proches dans le naufrage", a-t-elle encore raconté.

 

Depuis le début de l'année, ce sont quelque 1.750 migrants, hommes, femmes et enfants qui ont péri en mer, dont 450 la semaine dernière.

 

L'Union européenne a décidé de tenir jeudi un sommet extraordinaire pour répondre en urgence à ces drames en Méditerranée.

 

"Nous n'avons plus d'alibi", a lancé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. "Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c'en est trop".

 

En attendant ce sommet, l'Union européenne a déjà adopté lundi un plan d'action en dix points qui prévoit notamment le doublement des moyens pour la mission de surveillance maritime Triton, qui pourra patrouiller dans une zone plus large et devra participer aux secours.

 

Certains néanmoins doutent de l'efficacité à long terme de ces mesures, pourtant ardemment réclamées par les organisations humanitaires.

 

- 'Pas dix bateaux de plus ou de moins' -

 

"Ce n'est pas avec dix bateaux de plus ou de moins" que le problème sera réglé, avait jugé dès dimanche le chef du gouvernement italien Matteo Renzi, soulignant que le naufrage du chalutier avait eu lieu alors que les secours étaient déjà présents sur les lieux.

 

Le problème n'est pas celui du contrôle des mers, mais bien la mise hors d'état de nuire des passeurs, ces nouveaux "esclavagistes", a-t-il souligné.

 

Lundi, il a proposé des "interventions ciblées" à l'encontre de ceux qui organisent ces "voyages de la mort", une idée reprise le même jour à Luxembourg par les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur, mais qui doit vaincre encore les réticences de certains pays, notamment la Grande-Bretagne.

 

L'UE semble également prête à réexaminer la répartition des demandeurs d'asile au sein des 28, et non plus seulement en Italie, en Grèce, en Espagne, à Malte et Chypre, les principales portes d'entrée dans l'UE.

 

Les Européens se montraient jusqu'ici très frileux, craignant que le renforcement des secours en mer et l'engagement à accueillir plus de gens ne créent un appel d'air, alors que le flot de migrants n'a jamais été aussi élevé. Selon le Haut commissariat aux réfugiés, 35.000 migrants sont arrivés par bateau dans le sud de l'Europe depuis le début de l'année.

 

Ils pèsent ainsi de toutes leurs forces pour la formation d'un gouvernement d'union en Libye afin de mettre fin au chaos dans le pays, où l'organisation Etat islamique (EI) s'est implantée, seul moyen d'endiguer durablement les départs de migrants africains et de réfugiés syriens massés sur ses côtes.

 

Mardi, le Premier ministre australien Tony Abbott s'est montré plus radical en conseillant à l'UE de suivre l'exemple de son pays et de refouler tous les migrants arrivés par la mer afin d'empêcher des drames comme celui de dimanche.

 

AFP