Palestine : Nétanyahou opposé à la présence de l'ONU sur l'esplanade des Mosquées

Publié : 20 octobre 2015 à 13h26 par La rédaction

Le Premier ministre israélien rejette l'idée française d'une mission d'observation qui vérifierait le statut quo entre juifs et musulmans dans ce quartier de Jérusalem à statut spécial, voire accompagnerait une éventuelle reprise des négociations de paix.

 
«Absurde !» En privé, Benyamin Nétanyahou ne prend pas de gants pour qualifier la proposition française d'envoyer des observateurs internationaux sur le Haram al-Sharif, l'esplanade des Mosquées de Jérusalem, afin de vérifier que le statu quo entre juifs et musulmans y est maintenu. La grogne des dirigeants israéliens est d'autant plus vive qu'ils affirment avoir été surpris par l'initiative française et par le fait que Paris veut aller vite, en officialisant sa proposition jeudi à l'occasion d'une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation du Proche-Orient. En introduction au traditionnel conseil de cabinet du dimanche, le Premier ministre a en tout cas affirmé qu'Israël «n'est pas le problème sur l'esplanade des Mosquées mais la solution». Il a confirmé que son pays rejetait également l'initiative française visant à faire accompagner par l'ONU la reprise éventuelle de négociations de paix avec les Palestiniens. «L'envoi d'observateurs sera considéré comme une atteinte à notre souveraineté», a même proclamé Danny Danon, un faucon du Likoud (le parti de Nétanyahou) récemment promu ambassadeur de l'Etat hébreu à l'ONU. Le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, estime, lui, «qu'accepter l'idée française revient à offrir une prime aux terroristes qui poignardent des juifs dans la rue»

La Jordanie, pays «garant» du Haram al-Sharif

 Après la conquête de la partie arabe de Jérusalem (juin 1967), l'Etat hébreu l'a annexée mais a refusé d'exercer son autorité sur le Haram al-Sharif. Celle-ci est donc restée aux mains du Waqf, une structure islamique dépendant de la Jordanie et chargée de gérer les lieux. Au terme d'un accord officieux entre les deux parties, les juifs ont donc été autorisés à pénétrer dans cet espace, où se serait élevé le Temple de Jérusalem, le lieu saint le plus sacré du judaïsme, mais uniquement pour le visiter, pas pour y prier. Etant donné la sacralité du lieu pour les juifs traditionalistes et ultraorthodoxes, le grand rabbinat d'Israël a d'ailleurs interdit à ses ouailles d'y prononcer des prières, même à voix basse. En 1994, dans le cadre de l'accord de paix conclu entre Israël et la Jordanie, le royaume hachémite (qui contrôlait la partie arabe de Jérusalem jusqu'en juin 1967) a obtenu le statut de «garant» du Haram al-Sharif. Ce qui lui permet d'intervenir dans la nomination des membres Waqf et de représentants religieux. 
 
 Depuis 1967, des extrémistes juifs ont tenté à plusieurs reprises d'incendier ou de pulvériser à l'explosif les mosquées du Haram al-Sharif. D'autres ont lancé un «Mouvement pour la reconstruction du Temple» sur l'esplanade. Cette mouvance a toujours été ultraminoritaire en Israël, mais depuis les élections législatives de 2013 et l'accord de gouvernement entre le Likoud et le parti d'extrême droite, le Foyer juif, elle dispose de relais au plus haut niveau de l'Etat. En mai 2013, alors simple députée du Likoud, la future vice-ministre des Affaires étrangères, Tzipi Hotovely, s'est ainsi rendue sur l'esplanade en compagnie de militants ultranationalistes. Plus récemment, le ministre de l'Agriculture, Uri Ariel, (Foyer juif) y a également effectué une visite fort médiatisée. Sans concertation avec le Waqf et en prétendant «exercer le droit des Juifs à aller partout où ils le veulent dans leur pays». Pour les Palestiniens, ces«provocations» visent à modifier le statu quo. Surtout celles du rabbin Yehuda Glick, un colon dirigeant le Mouvement pour la reconstruction du Temple, qu'un militant du Jihad islamique a tenté d'assassiner de plusieurs balles de 9 mm en octobre 2014. Un signe avant-coureur des violences à venir.  
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