Yémen : La milice chiite yéménite, de Saada à Sanaa
Publié : 21 janvier 2015 à 9h27 par La rédaction
Les miliciens chiites au Yémen, appelés Houthis, se sont aguerris en combattant durant des années dans leur fief de Saada (nord) les forces de l'ex-président Ali Abdallah Saleh avant de déferler sur la capitale Sanaa dont ils ont pris le contrôle en septembre 2014.
Les Houthis, regroupés au sein du mouvement Ansaruallah, se veulent les héritiers des imams zaïdites appartenant à une branche du chiisme embrassée par environ un tiers de la population du Yémen, pays majoritairement sunnite.
Leur chef, Abdel Malek al-Houthi, a défié ouvertement le président Abd Rabbo Mansour Hadi, en exigeant une plus grande part du pouvoir et un nouveau projet de constitution.
Les imams zaïdites ont régné sur le Yémen pendant un millier d'années avant d'être renversés par une révolution à dominante sunnite en 1962.
- Les Houthis se politisent -
La contestation des zaïdites, dont le guide spirituel s'appelait Badreddine al-Houthi, est née d'un sentiment d'injustice face à la marginalisation de leur communauté.
Son fils, Hussein al-Houthi, capitalise ensuite sur la colère née de l'invasion américaine de l'Irak en 2003 pour se révolter contre le régime Saleh. Hussein al-Houthi meurt au combat en 2004. Son frère, Abdel Malek al-Houthi, lui succède.
Entre 2004 et 2010, les Houthis mènent six rounds de combats contre l'armée de M. Saleh. Ils font en 2009 une incursion en Arabie saoudite et combattent contre l'armée pendant des mois.
Le soulèvement en 2011, dans le sillage du Printemps arabe, contre le régime Saleh poussé au départ, va achever la politisation du mouvement des Houthis qui se fait le champion de la lutte anticorruption.
- Montée en puissance -Profitant alors de l'affaiblissement du pouvoir central hérité en février 2012 par le président Hadi, les Houthis s'emploient d'abord à établir leur autorité sur le nord, principalement dans la province de Saada, où ils combattent en 2013 des salafistes sunnites au prix de lourdes pertes des deux côtés.
Ils ne cessent ensuite d'étendre leur influence hors de leur fief en s'implantant plus au sud, en direction de Sanaa.
La montée en puissance de cette milice a donné lieu à des accusations de soutien venant de l'Iran chiite, qu'elle a toujours démenties, et des forces loyales à M. Saleh.
Le pouvoir a fait état de saisies de bateaux d'armes iraniennes qui leur étaient destinées et de l'arrestation de conseillers militaires iraniens, les aidant sur le terrain.
Passant à l'offensive en 2014, les Houthis, attaquent des fiefs de la puissante tribu des Al-Ahmar dans la province d'Amrane (à 50 km au nord de Sanaa), dont ils prennent le contrôle pendant l'été.
Ils étendent ensuite les hostilités en direction de leurs rivaux sunnites d'Al-Islah, affiliés aux Frères musulmans, dans les provinces voisines d'Al-Jawf et de Marib.
- Cap sur Sanaa -
Cette offensive les conduit à Sanaa qu'ils encerclent en août 2014. Ils cherchent ainsi à élargir leur zone d'influence dans le futur Etat fédéral qui doit compter six provinces.
Ils tentent de prendre d'assaut le siège du gouvernement à Sanaa le 9 septembre. Des combats meurtriers éclatent le 18 septembre entre rebelles chiites et partisans d'Al-Islah soutenus par l'armée.
M. Hadi dénonce le 20 septembre une "tentative de coup d'Etat". Le 21, les miliciens s'emparent de sites militaires et stratégiques et, malgré un accord sous l'égide de l'ONU pour mettre fin aux combats, prennent la capitale.
Ils s'emploient depuis à renforcer leur emprise entrant de force dans des bâtiments publics à Sanaa et chassant de hauts fonctionnaires de leurs postes. Ils assurent dans la rue les taches de maintien de l'ordre et se mêlent de la justice.
Avant la prise mardi du palais présidentiel, ultime symbole du pouvoir, ils enlèvent le chef de cabinet du président, Ahmed Awad ben Moubarak, l'un des architectes du projet de constitution qu'ils rejettent.
AFP