L'Aïd à Travers les Âges : Pourquoi ne célèbre-t-on pas tous l’Aïd en même temps ?
Modifié : 31 mars 2025 à 15h14 par Omar Sawah
Comment avons-nous su que demain c’est l’Aïd ? L’annonce de l’Aïd el-Fitr est un moment central dans la vie des musulmans, marquant la fin du Ramadan. Au fil des siècles, cette annonce a évolué, passant de méthodes simples à des pratiques modernes, tout en restant ancrée dans un élément fondamental : l’observation du croissant lunaire.
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Depuis l’époque du prophète Muhammad ﷺ, les musulmans se fient à la lune pour déterminer le début des mois lunaires. Le Prophète a dit dans un hadith : « Jeûnez à sa vue, et rompez le jeûne à sa vue… ». Dès l’apparition du croissant de Chawwal, il ordonnait aux fidèles de rompre le jeûne et de se rendre à la prière de l’Aïd. Ainsi, la première tradition religieuse de l’annonce de l’Aïd est née, fondée sur le témoignage visuel ou l’accomplissement de 30 jours de jeûne.
Sous les califats bien guidés et omeyyades, cette pratique est restée essentielle, mais de nouveaux moyens ont été mis en place pour transmettre la nouvelle à travers l’immense territoire musulman. Les mosquées et les prêches annonçaient la confirmation du croissant, tandis que des crieurs publics, appelés barrahhoun dans certaines régions, parcouraient les marchés pour informer la population. Les voyageurs et les caravanes de commerçants transportaient également les bonnes nouvelles des grandes villes vers les villages, où l’information arrivait progressivement.
Avec le temps, des traditions locales ont émergé pour accompagner l’annonce de l’Aïd. L’une des plus célèbres est celle du canon. Deux récits coexistent à ce sujet. Le premier remonte à l’époque mamelouke au XVème siècle, où le sultan Khoshkadam aurait testé un canon au coucher du soleil, coïncidant avec l’appel à la prière du Maghreb. Les gens, croyant que le tir signalait l’heure du ftour, remercièrent le sultan pour cette « bonne innovation ». Le second récit, sous le règne du khédive Ismaïl au XIXème siècle, raconte qu’un tir de canon par erreur a été interprété comme un signal officiel. La fille du khédive, Fatma, a alors décidé d’institutionnaliser l’usage du canon pour marquer les moments importants du Ramadan et des fêtes. Cette tradition s’est répandue en Égypte, puis dans d’autres pays.
Le son du canon, la veille de l’Aïd, est devenu une annonce festive signalant la fin du Ramadan. Aujourd’hui encore, certains pays tirent des salves de canon pour célébrer l’arrivée de l’Aïd, rendant hommage à ce patrimoine populaire.
Aux côtés du canon, le mesaharati, ou veilleur du Ramadan, jouait également un rôle charmant dans l’annonce de la fête. Sa mission principale était de réveiller les gens pour le suhoor, mais la nuit précédant l’Aïd, il parcourait les quartiers pour annoncer la fête, chantant et célébrant dans une ambiance joyeuse.
À l’époque moderne, les moyens de communication ont transformé les formes d’annonce. Cependant, la majorité des pays arabes et musulmans continuent de s’appuyer sur l’observation lunaire. Des commissions officielles, composées de théologiens et d’astronomes, sont formées pour observer la lune le 29ème jour du mois de Ramadan. Si l’observation est confirmée, un communiqué officiel est diffusé à la télévision et à la radio. Si la lune n’est pas visible, le mois de Ramadan est complété à 30 jours.
Des pays comme l’Arabie saoudite attendent la décision de la Cour suprême, tandis qu’en Égypte, c’est la Dar al-Ifta qui publie le communiqué officiel. D’autres nations, comme la Turquie, s’appuient sur le calcul astronomique pour fixer les dates à l’avance, permettant ainsi aux citoyens de connaître la date de l’Aïd.
Malgré la diversité des moyens d’annonce, le principe religieux reste le même : connaître le début du mois de Chawwal, que ce soit par l’observation lunaire ou par le calcul. Les moyens d’informer le public ont évolué, passant de la voix du muezzin au tambour du mesaharati, au coup de canon, jusqu’aux notifications sur les téléphones et les réseaux sociaux.
Dans toutes ces formes, le moment de l’annonce de l’Aïd demeure une célébration en soi : il prépare à la prière collective, aux échanges de vœux, aux retrouvailles familiales, et à une joie partagée par tous. C’est une minute d’unité des cœurs, marquant la fin du jeûne et le début de jours heureux, peu importe l’époque ou la manière.
Ainsi, nous avons su que ce dimanche, c’est l’Aïd : une histoire d’annonce entre passé et présent.
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