Le Conseil constitutionnel valide la déchéance de la nationalité d'un jihadiste franco-marocain
Modifié : 25 janvier 2015 à 3h34 par La rédaction
Le Conseil constitutionnel a validé vendredi la déchéance de la nationalité française d'un jihadiste franco-marocain condamné pour terrorisme, ce dont le gouvernement s'est aussitôt félicité avec l'intention de continuer à recourir à cette mesure dans des cas semblables.
Le Conseil a jugé "conformes à la Constitution" les dispositions du code civil contestées par l'avocat du jihadiste.
Cette décision était très attendue par le gouvernement qui entend utiliser cette mesure dans l'éventail des outils de lutte contre le terrorisme, comme l'a rappelé mercredi le Premier ministre, Manuel Valls, en évoquant "les conséquences auxquelles on s'expose quand on décide de s'en prendre à la Nation à laquelle on appartient".
"La décision du Conseil constitutionnel stabilise et sécurise le régime de la déchéance de la nationalité", s'est félicité le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dans un communiqué. Il a annoncé que le gouvernement allait "continuer à prendre cette décision de déchéance à l'endroit des personnes condamnées pour faits de terrorisme, dès lors que les conditions légales seront réunies".
Ahmed Sahnouni, né à Casablanca en 1970 et naturalisé français le 26 février 2003, avait été condamné en mars 2013 à sept ans de prison pour avoir organisé une filière de recrutement au jihad. Il s'est vu retirer sa nationalité française le 28 mai par un décret cosigné par Manuel Valls, et le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Son avocat, Nurettin Meseci, avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant deux dispositions de l'article 25 du code civil qui prévoit qu'un "individu ayant acquis la nationalité française peut" en être déchu par décret, notamment s'il a été condamné pour "un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme".
Cette mesure a été utilisée huit fois depuis 1973. Elle est cependant interdite dans le cas des personnes qu'elle rendrait apatrides et ne concerne pas les bi-nationaux nés avec la double nationalité.
"Il appartient désormais au gouvernement d'élargir la déchéance aux binationaux français de naissance", a réagi le député du Rhône et secrétaire national à la justice de l'UMP, Georges Fenech.
- 'Faits d'une gravité toute particulière' -
Pour être définitive, la déchéance de nationalité d'Ahmed Sahnouni doit encore être validée par le Conseil d'Etat.
Pour son avocat qui regrette "le contexte émotionnel" dans lequel la décision du Conseil constitutionnel a été prise, rien n'est encore joué: "J'ai d'autres arguments a faire valoir devant le Conseil d'Etat" et "devant les juridictions européennes", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Lorsque moins d'une semaine avant la décision, un sondage relève que 81% des français sont favorables à la déchéance et que le gouvernement est en phase avec l'opinion avec notamment la mise en place d'une commission sur le crime d'indignité nationale, forcément tout cela n'a pas aidé la requête de mon client", a-t-il constaté.
Devant le Conseil constitutionnel, Me Meseci avait plaidé le 13 janvier une "rupture d'égalité" entre Français de naissance et Français naturalisés, introduite selon lui par le texte.
Il avait également dénoncé une "disproportionnalité" d'un texte qui a fait passer en 2006 de dix à quinze ans les deux périodes pendant lesquelles peut être prononcée une déchéance de nationalité, après son acquisition et après la commission des faits terroristes pour lesquels l'individu aura été condamné.
Il a enfin critiqué "un détournement de procédure" visant selon lui "à expulser son client vers le Maroc, où il risque d'être condamné à vingt ans de prison" pour les mêmes faits. Jusqu'alors, cette extradition était impossible, la France n'acceptant pas de remettre ses nationaux aux autorités d'un pays étranger.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel relève que la différence de traitement entre Français de naissance et ceux qui ont acquis la nationalité française instituée dans la lutte contre le terrorisme "ne viole pas le principe d'égalité".
Il a également jugé "conforme à la Constitution (...) l'extension des délais opéré en 2006" en relevant que "le délai de 15 ans entre l'acquisition de la nationalité française et les faits reprochés ne concerne que des faits d'une gravité toute particulière".
AFP