2015, année de défis pour la BCE qui fourbit ses armes contre la déflation

Modifié : 30 décembre 2014 à 13h29 par La rédaction

RADIO ORIENT

Après une année très chargée, achevée par une crise politique en Grèce, la Banque centrale européenne (BCE) n'aura guère le loisir de souffler en 2015, et devrait sortir l'artillerie lourde pour tenter d'écarter la menace de déflation.

 

Les législatives anticipées annoncées lundi en Grèce, et la perspective d'une arrivée au pouvoir de la gauche radicale, font craindre pour la stabilité financière du pays, mais elles ne menacent pas la zone euro dans son ensemble assurent la plupart des analystes. Pour la BCE, éviter la dangereuse spirale d'une baisse des prix et d'une contraction de l'activité économique sera bien le principal défi l'an prochain.

 

"Je vois un large consensus autour de la table du conseil des gouverneurs concernant le fait que nous devons faire plus", a récemment affirmé Benoît Coeuré, membre du directoire de l'institution monétaire.

 

La BCE étudie plusieurs options d'assouplissement quantitatif ou "QE", c'est à dire des achats d'actifs à très grande échelle. Il semble acquis que la banque centrale va s'engager dans des rachats massifs d'obligations souveraines sur le modèle de la Réserve fédérale américaine, la question n'étant plus "si" mais "quand": dès sa prochaine réunion le 22 janvier, seulement à la suivante en mars, voire plus tard?

 

Avant même que la décision soit actée, certains doutent déjà de son efficacité et s'inquiètent qu'une fois grillée cette cartouche, la BCE n'aura plus grand chose en magasin.

 

Pour Erik Nielsen, économiste chez UniCredit, "on demande et on attend beaucoup trop de la banque centrale".

 

- L'inflation dérape -

 

La BCE en fait déjà beaucoup. Elle veut injecter environ 1.000 milliards d'euros de liquidités dans le circuit financier, gonflant son bilan d'autant. C'est selon elle la somme nécessaire pour faire repartir la dynamique des prix. Elle mène dans ce but des achats de titres financiers (obligations sécurisées et ABS) sur les marchés et a mis à disposition des banques des prêts très bon marché en abondance.

 

Le taux directeur est en outre à un plus bas historique de 0,05% et depuis juin les établissements de crédit qui placent des fonds à court terme auprès de la BCE sont pénalisés par un taux négatif, afin de les inciter à prêter davantage.

 

Rien n'y fait, l'inflation continue sa chute. Elle pointait à 0,3% seulement en novembre et devrait passer rapidement en territoire négatif, avec la chute des cours du pétrole.

 

Conjugué à la baisse de l'euro face au dollar, le recul du prix de l'or noir est certes une bonne nouvelle pour l'économie, mais pour la BCE elle est un problème de plus. Il menace de faire flancher les attentes d'inflation, agrégat très regardé par les gardiens de l'euro. Plus ces attentes sont basses, plus le risque de déflation, spirale auto-entretenue de baisse des prix et des salaires, est tangible.

 

En la matière le Japon, confronté depuis vingt ans à un cercle vicieux de dynamique des prix atone et d'économie en souffrance, fait figure de repoussoir pour la zone euro.

 

- Elargir la majorité -

 

D'où la tentation pour la BCE de s'impliquer plus encore. Intervenir sur le marché des dettes publiques, le plus abondant et le plus liquide en Europe, "est notre option de base", a reconnu M. Coeuré.

 

Même s'il a assuré récemment n'avoir "pas besoin d'unanimité" pour s'engager sur cette voie, le président de la BCE Mario Draghi a à coeur de rallier les banquiers centraux européens derrière ses projets.

 

"La BCE se concentre manifestement sur l'élargissement de la majorité en faveur d'un QE au sein de son conseil des gouverneurs", juge Michael Schubert de la Commerzbank.

 

Le président de la banque centrale allemande Jens Weidmann, sa compatriote Sabine Lautenschläger, membre du directoire, ou encore le gouverneur de la banque centrale d'Estonie font partie des sceptiques.

 

Ils craignent qu'en rachetant de la dette publique, la BCE ne finisse par financer les Etats de la zone euro --ce que son mandat lui interdit-- et que la volonté de réformes des politiques ne s'en trouve affaiblie.

 

"Mais quand les dirigeants politiques sont faibles, il échoit à d'autres de faire le travail, même si leur boîte à outils se révèle peu adaptée aux objectifs", juge M. Nielsen.

 

AFP