Renseignement: fin d'une semaine polémique à l'Assemblée, vote le 5 mai

Modifié : 20 avril 2015 à 12h20 par La rédaction

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L'Assemblée a achevé jeudi quatre jours de débats, souvent polémiques à droite comme à gauche, sur le projet de loi sur le renseignement, qui devrait néanmoins obtenir une large majorité lors du vote prévu le 5 mai.

 

Lors de la dernière matinée, les députés ont créé un statut de "lanceur d'alerte" pour protéger un agent du renseignement qui souhaiterait révéler l'utilisation de techniques illégales à la suite de l'affaire Snowden (l'informaticien américain qui a dénoncé les pratiques massives d'espionnage de la NSA). L'agent devra contacter la nouvelle autorité créée, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), habilitée au secret défense, et il ne pourra être sanctionné.

 

Autre vote, la création d'un fichier des auteurs d'infractions terroristes, dont les données pourront être inscrites dès la mise en examen et conservées pendant 20 ans. Ce fichier avait été annoncé après les attentats de Paris qui avaient démontré lors de l'enquête "des difficultés liées à la localisation et à la domiciliation de personnes précédemment condamnées pour terrorisme", selon le gouvernement.

 

Les débats se sont achevés dans un climat plus apaisé que les jours précédents, où des accusations de "loi liberticide" avaient fleuri sur tous les bancs, à l'indignation de ManuelValls, qui a distingué "ceux qui ont le sens de l'Etat" et "ceux qui parfois, malheureusement, ne l'ont pas", et du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

 

Le texte, qui donne un cadre légal aux services du renseignement, définit à la fois leurs missions (de la prévention du terrorisme à l'espionnage économique) et le régime d'autorisation et de contrôle de l'utilisation de certaines techniques d'espionnage (écoutes, pose de caméras ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.).

 

- l'UMP pas unanime -

A gauche, les débats ont été particulièrement vifs sur la possibilité donnée à des agents de l'administration pénitentiaire d'utiliser en prison ces techniques de renseignement.

 

Opposée à "une modification substantielle du métier de surveillant", Christiane Taubira s'est fait battre dans l'hémicycle par une alliance de certains PS, dont des proches de Manuel Valls, et de l'UMP, suscitant la colère de socialistes "frondeurs" comme Aurélie Filippetti. Pour le rapporteur du texte Jean-Jacques Urvoas, il ne faut cependant voir là qu'un "désaccord opérationnel" avec la garde des Sceaux.

 

Les écologistes ont été partagés sur le texte, mais ont obtenu le vote d'une dizaine d'amendements pour renforcer certaines garanties.

 

A droite, les positions n'ont pas été aussi unanimes que prévu, plusieurs UMP s'affranchissant de la position officielle de soutien au texte voulue par Nicolas Sarkozy au nom de l'unité nationale dans la lutte contre le terrorisme et relayée dans l'hémicycle par ses proches, tel Guillaume Larrivé.

 

Parmi ces voix discordantes, des spécialistes des questions numériques comme Lionel Tardy et Laure de la Raudière, des rivaux de Nicolas Sarkozy comme Bruno Le Maire ou François Fillon, qui entend "soumettre le texte au Conseil Constitutionnel" une fois adopté, ou des élus comme Claude Goasguen relayant les craintes de "surveillance politique" des sympathisants de La Manif pour Tous.

 

Le président du Sénat Gérard Larcher, dont l'institution se saisira fin mai du texte, a, lui, mis en garde jeudi contre les "lois d'exception".

 

Dans et en dehors de l'hémicycle, un point a cristallisé les débats: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d'outils d'analyse automatique (un algorithme) pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste", un dispositif qualifié de "boîte noire" par ses détracteurs, qui y voient le début d'une surveillance de masse.

 

Le principal hébergeur français de données OVH, qui avait menacé de délocaliser ses serveurs, s'est cependant réjoui de l'adoption d'un amendement permettant aux opérateurs de distinguer eux-mêmes "les métadonnées et les contenus".

 

Ce n'est pas le cas de la présidente de la Cnil, Isabelle Falque-Pierrotin, qui a estimé jeudi que ces métadonnées relevaient bien des "données personnelles".

 

Ces critiques n'ont empêché le Premier ministre de se montrer confiant. "Depuis 2012, nous avons fait voter deuxlois antiterroristes, elles ont été adoptées à une très large majorité, à la fois par la majorité et par l'opposition. Nous aurons, j'en suis convaincu, ce même type de vote", a-t-il déclaré peu avant la fin des débats.

 

AFP