Turquie: les Alévis boycottent les cours pour réclamer l"enseignement laïque"

Modifié : 13 février 2015 à 17h04 par La rédaction

RADIO ORIENT

Des associations d'Alevis, une minorité musulmane libérale de Turquie, et un syndicat d'enseignants ont appelé vendredi un boycott des écoles publiques pour réclamer un "enseignement laïque" dans un pays dominé par la confession sunnite.

 

Selon les médias turcs, ce mouvement a été largement suivi dans de nombreuses villes, dont Istanbul, Ankara et Izmir (ouest).

 

Dans cette dernière cité, la police a dispersé une manifestation d'environ 2.000 personnes, pour la plupart des enseignants, avec des canons à eau et du gaz lacrymogène, a rapporté l'agence de presse Dogan.

 

Au moins 40 personnes y ont été interpellées, selon le barreau de la ville.

 

Environ 2.000 protestataires ont défilé dans le centre-ville d'Ankara et un millier d'autres à Istanbul, dans le quartier asiatique de Kadiköy.

 

"Je n'envoie pas mon enfant à l'école aujourd'hui pour dénoncer l'islamisme rampant pratiqué dans l'enseignement public qui est devenu l'enseignement islamique", a indiqué à l'AFP Ahmet, un fonctionnaire résidant dans le centre d'Ankara qui n'a pas souhaité divulguer son nom de crainte de poursuites.

 

Ce père de famille de confession alévie a dénoncé les cours de religion obligatoires dans les collèges et lycées publics, un système récemment amendé par le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002.

 

Les Alevis jugent notamment que ces cours nouvelle formule privilégient la seule approche sunnite de l'islam et dénigrent l'apprentissage des sciences.

 

"Les enfants peuvent apprendre la religion à la maison, c'est injuste de leur imposer ça à l'école", a souligné le parent d'élève.

 

Dans un arrêt rendu en septembre dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé que l'apprentissage obligatoire des religions imposé en Turquie ne respectait pas la liberté de conviction des parents et demandé aux autorités une réforme "sans tarder" du système.

 

Seuls les élèves de confession chrétienne ou juive, les deux minorités religieuses reconnues en Turquie, peuvent en être dispensés.

 

Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a dénoncé le jugement de la CEDH, jugeant que l'apprentissage obligatoire des religions constituait un rempart contre la "radicalisation" des groupes jihadistes, en Syrie et en Irak notamment.

 

La communauté alévie, un groupe musulman hétérodoxe et progressiste, constitue environ 20% des 77 millions d'habitants de la Turquie, dont l'immense majorité de la population est sunnite. L'Etat turc n'a jamais reconnu cette confession.

 

L'actuel président Recep Tayyip Erdogan, qui tient les rênes de son pays depuis 2003, est accusé par ses détracteurs de vouloir "islamiser" la Turquie. Sous son règne, le port du voile islamique a été autorisé dans les universités, les lycées, puis la fonction publique, et la vente et la consommation d'alcool ont été sérieusement encadrées.

 

L'éducation est devenue l'un des enjeux de cette confrontation.

 

En septembre dernier, une réforme de la carte scolaire a ainsi contraint plusieurs milliers d'élèves auparavant inscrits dans le secteur public à poursuivre leur scolarité dans des écoles religieuses, les "imam hatip", suscitant de nouvelles critiques.

AFP